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Architecture commerciale

En vedette: Édifice Aldred

1931, arch.: Ernest Isabel BAROTT

cabinet BAROTT & BLACKADER

501-507 Place d'Armes, Montréal

Dans l’esprit des Montréalais, c’est sans doute l’édifice qui, depuis la destruction du magnifique édifice Architects’ dans les années 1960, incarne le mieux l’Art déco, avec son imposante silhouette en gradins (23 étages, 90 m.), aux lignes ascensionnelles accentuées par une géométrie soignée (travées* de fenêtres séparées par des allèges* en aluminium, alternant avec des pans de murs étroits qui ressemblent à de puissants contreforts). L'ensemble est complété par un décor très sobre, limité à des bas-reliefs* naturalistes stylisés. Autant de caractéristiques qui permettent de rapprocher l’édifice Aldred des icônes Art déco new-yorkaises – d’ailleurs contemporaines – que sont le Chrysler Building et l’Empire State Building, achevés respectivement en 1930 et 1931.

 

Ce rapprochement n’est ni infondé ni fortuit. La silhouette en gradin de l’édifice Aldred, d’ailleurs encore plus manifeste sur sa façade en longueur côté rue Notre-Dame, résulte des règlements de zonage  adoptés par Montréal dans les années 1920-30 [1], largement inspirés de la New York Zoning Resolution de 1916. Ainsi, ce genre de silhouette si identifiée à l’Art déco aujourd’hui n’est en fait que le résultat de ces règlements, qui obligeaient les architectes de gratte-ciels à élever les façades avec des retraits proportionnels à la hauteur et à la surface occupée au sol (avec pour objectif de protéger l’ensoleillement de la rue en évitant l’effet « canyon »).

Par conséquent – et contrairement à une opinion largement répandue – ces silhouettes en gradins ne sont pas propres à l’Art déco, comme le prouvent à Montréal la tour de Bell Téléphone (sur la Côte du Beaver Hall et la tour de la Banque Royale sur la rue St-Jacques: ces gratte-ciels, profitant de l’abrogation en 1927 du règlement municipal qui interdisait les immeubles de plus de 10 étages,  présentent une haute silhouette à retraits bien marqués; pour autant, leur esthétique ne peut pas être apparentée à l’Art déco.

 

L’édifice Aldred est commencé en juillet 1929 (donc avant le krach d’octobre), et, en dépit de la situation économique difficile, il est terminé pratiquement à la date prévue, en avril 1931. Il tient son nom de son commanditaire, la société financière Aldred and Co. Limited créée par l’homme d’affaires américain John Edward Aldred (qui est aussi président-fondateur de la grande compagnie d’électricité la Shawinigan Water and Power Company). En dépit de la dénomination de l’édifice, la Aldred and Co. Limited n’occupera que les dix-septième et dix-huitième étages, le reste étant offert à la location (compagnies d’assurances, bureaux d’avocats etc.).

Les parties communes de l'édifice offrent un excellent aperçu du raffinement propre à la variante luxueuse de l'Art déco, particulièrement développée en Amérique du Nord dans les édifices commerciaux de prestige: revêtements de marbres polychromes, bronzes dorés, vitraux, luminaires et détails traités avec soin et originalité.

 

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[1] L’adoption du premier règlement de hauteur pour Montréal, inclus dans le code de la construction de 1901, dans l’espoir d’harmoniser le paysage urbain : «  aucun bâtiment ayant plus de 10 étages de haut à partir du niveau du trottoir ou de la rue, ou ayant plus de 130 pi (40 m.) de hauteur à partir du trottoir jusqu’au toit, ne devra être érigé dans aucune rue de la Cité ». (Source : I. Gournay et F. Vanlaethem (dir) : Montréal métropole, 1880-1930; 1998, p.173)

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