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Architecture de loisirs

En vedette: Cinéma-théâtre Le Château

1931, arch.-concepteur: René CHARBONNEAU

Décorateur (extérieurs): Joseph GUARDO

Décorateur (intérieurs): Emmanuel BRIFFA

6956, rue Saint-Denis, Montréal

Des dizaines de salles de cinéma que Montréal possédait à la belle époque de cet art (entre 1910 et la Seconde guerre mondiale), seulement une poignée à survécu jusqu’à nos jours – et trois seulement peuvent être considérées de style Art déco : le Théâtre Snowdon (1936-37, malheureusement très transformé en 1986 et incendié en 2015), le théâtre Outremont (1928, classé en 1993 par le ministère des Affaires culturelles du Québec, cf. fiche État des lieux), et le cinéma-théâtre Le Château, classé en 2002, et qui a subi depuis 1989 une cure de jouvence remettant avantageusement en valeur ses intérieurs.

 

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Le cinéma Le Château, construit en 1931, présente plusieurs originalités.

Érigé en angle de rue, son édifice est conçu dès l’origine pour abriter non seulement la salle de cinéma et ses annexes (foyer, hall d’entrée, balcon, salle de projection etc.) avec son entrée principale sur la rue St-Denis, mais aussi des fonctions commerciales et résidentielles dans la partie latérale, longeant la rue Bélanger.

L’architecte a habilement joué des contrastes de matières pour visuellement différencier la partie du bâtiment abritant le cinéma, des commerces et logements attenants.

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La partie principale abritant le cinéma se manifeste sur la rue St-Denis par une façade articulée en trois parties bien délimitées : une partie centrale plus haute, terminée par un couronnement cintré, et deux parties latérales plus basses, ce traitement rappelant celui d’une façade d’église fermant une nef et ses bas-côtés.

Cette partie abritant le cinéma est bien sûr identifiée en façade par l’imposante marquise (transformée en 1946), mais aussi par un traitement différencié du parement, où domine la pierre, avec des intercalations de brique d’une tonalité orangée.

Dans la partie du bâtiment réservée à l’usage commercial et résidentiel, le traitement du mur est inversé : là, c’est la brique orangée qui domine, avec l’insertion de pierre (ou pierre artificielle) aux articulations principales : devantures des commerces au rez-de-chaussée, couronnement, et éléments décoratifs principaux.

La qualité des détails décoratifs extérieurs est à souligner, et facilement appréciable car l’ensemble est bien conservé. Les verticales accentuées par le traitement des murs en plans multiples* mènent le regard vers les parties hautes où s’épanouissent, sculptés en bas-relief*, des motifs floraux, égyptisants voire d’inspiration précolombienne, ainsi que des allégories des arts : figures féminines fluides évoquant les muses, bustes ailés évoquant des génies, le tout traité en bas-relief par un des spécialistes du genre à Montréal à l’époque, le sculpteur Joseph Guardo (1901-1984). Les ouvertures ont gardé leurs (faux) vitraux originaux aux motifs crépusculaires.

La capacité de l’architecte René Charbonneau à se renouveler dans le registre Art déco est à souligner : le théâtre Outremont, qu’il conçoit à peine trois ans plus tôt (1928, classé en 1994) présente une allure très différente et pourtant tout aussi convaincante et réussie. Dans les deux cas, pour les intérieurs, R. Charbonneau s’est adjoint les talents du décorateur Emmanuel Briffa (1875-1955), qui a participé à l'ornementation de plus d’une centaine (entre 100 et 200 selon les sources) de cinémas en Amérique du Nord.

Au cinéma Le Château, ce décor décline une palette où dominent les tons crème contrastant avec les reliefs géométriques ou floraux stylisées dorés, des vitraux polychromes et des motifs verticaux inspirés des pilastres* cannelés.

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Le cinéma Le Château témoigne de la splendeur des « palaces cinématographiques » de quartier, au moment où le cinéma parlant vient de faire son apparition (1927). Le choix du style Art déco pour cet édifice correspond précisément à l’affirmation de la modernité dans l'architecture québécoise au début de la décennie 1930.

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