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Architecture publique

En vedette: Pavillon principal

(Roger-Gaudry), Université de Montréal

1927-1931, arch.: Ernest CORMIER

2900, boul. Édouard-Montpetit, Montréal

Le pavillon principal de l’Université de Montréal (inauguré en 1943) est généralement apparenté à l’esthétique Art déco, même s’il est loin de s’y limiter en raison de la personnalité même de son architecte, Ernest Cormier, architecte-ingénieur au vaste savoir-faire et à la culture presque encyclopédique.

 

Plutôt qu’une formule en pavillons dispersés telle que consacrée dans l’architecture universitaire nord-américaine, Cormier a privilégié  un plan compact et rationaliste pour le principal bâtiment destiné à abriter les facultés scientifiques - un choix motivé d'abord par des raisons d’économie de budget. En organisant les volumes de façon symétrique et équilibrée autour de la cour d'honneur et en les articulant à partir d'une verticale dominante, il respecte la doctrine académique. Toutefois, l'idée de matérialiser cette verticale avec la chapelle est rejetée d'emblée par Cormier: indice patent du souci d'afficher la sécularisation de l'enseignement supérieur alors en cours au Québec. Et l'utilisation de cette tour comme réserve de la bibliothèque, voire comme support d'un observatoire astronomique, semble avoir eu clairement moins d'importance que sa valeur symbolique comme emblème : perchée sur le flanc nord du mont Royal, la tour se veut alors comme "le phare de l'enseignement supérieur dans cette partie du Canada français", et reste aujourd'hui un repère majeur de la ville.

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Parmi les parti-pris architecturaux dont il faut souligner l'originalité, l'esthétique épurée et moderne choisie par Cormier est destinée à afficher la modernité de l’institution (qui s’inscrit dans le mouvement de réforme de l’enseignement supérieur du Québec); l’autre vertu appréciable de ce parti-pris simplifié étant de minimiser les coûts. Cette esthétique épurée n’implique pourtant pas une absence d’ornement, bien au contraire : tout rationaliste qu’il soit, Cormier considère que la forme peut atteindre à une plus grande clarté et à une plus grande intensité par une décoration judicieuse, qu’il nomme « le sourire de la matière ».

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Dans le pavillon principal, cet ornement est d’abord le produit du jeu des ombres et des lumières sur les surfaces et les volumes : les murs sont traités en plans multiples* avec un accent particulier mis sur les verticales. Ces pans de murs étroits dépassant la ligne de faîte, créent ainsi un effet visuel de redents*, d’où la parenté visuelle avec l’esthétique Art déco.

Cormier joue admirablement des potentialités de la brique chamois qu’il a réussi à imposer en dépit des réticences envers ce matériau jugé trop commun, indigne d’un chantier de prestige : cette brique vitrifiée  chamois de fabrication américaine a été choisie pour des raisons pratiques aussi bien qu’esthétiques; la brique ayant été remise à l’honneur par les architectes modernes depuis le début du 20e s. en particulier en Europe du Nord (École d’Amsterdam), elle participe aussi à la modernité de l’image projetée par l’ensemble.

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Pourtant, le projet d'Ernest Cormier pour l'Université connaîtra des péripéties graves, qui l'empêcheront d'être mené à terme au complet: dans le contexte de la crise économique de 1929, la construction de l'Université de Montréal n'est plus une priorité et devient au contraire un problème: faute de moyens financiers suffisants, les travaux sont interrompus, et la fermeture de l'université est même envisagée. Mais la polémique qui entoure la construction relève au moins autant de la problématique financière que du débat théorique sur l'affirmation de la modernité architecturale à Montréal: pour le milieu intellectuel montréalais encore très conservateur, le chantier de l'Université a surtout le tort d'être la première institution d'envergure à afficher un style libéré de l'historicisme. 

Cela n'empêchera pas, dès la fin des années 1950 et la généralisation progressive du style international au Canada, le travail de Cormier à l'Université de Montréal d'être critiqué pour son gigantisme, et pour le manque de maturité de son style.

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Aujourd'hui, le pavillon principal et sa tour constituent un des monuments les plus caractéristiques de l'architecture montréalaise, même si son appartenance à l'Art déco reste discutée parmi les spécialistes.

 

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