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Architecture publique

En vedette: Pavillon principal

(Roger-Gaudry), Université de Montréal

1927-1931, arch.: Ernest CORMIER

2900, boul. Édouard-Montpetit, Montréal

La cour d'honneur

Façades sur la cour d'honneur: Cormier tire admirablement parti de la brique vitrifiée chamois (choisie pour ses qualités pratiques aussi bien qu'esthétiques): matériau qui lui permet selon ses propres termes de "donner aux murs un aspect plus riche" en accentuant les effets de texture et les "jeux d'ombre et de lumière". En imposant pour ce programme officiel l'utilisation de ce matériau synonyme de modernité, Cormier fait entrer l'architecture montréalaise dans une nouvelle ère.

La tour-bibliothèque

La tour "phare" du pavillon principal est inspirée de modèles civiques résolument contemporains, connus de Cormier par des revues professionnelles: le beffroi de la gare d'Helsinki (1904-1914), l'hôtel Shelton à NYC (1924) pour la structure générale, et la tour-bibliothèque du capitole du Nebraska (1920) pour le traitement de la fenestration et la coupole.

Aile des amphithéâtres

Pyramide à gradins qui surmonte l'aile des amphithéâtres (partie Est du pavillon principal), qui n'est pas sans rappeler le Palais Stoclet de Josef Hoffmann à Bruxelles

Portails du vestibule d'honneur

Portails du vestibule d'honneur, avec leur marquise semi-circulaire qui vient interrompre élégamment la fuite ascensionnelle des verticales.

Entrée du vestibule d'honneur

La forme convexe des ébrasements (en marbre rose) des portes est assez caractéristique de l'esthétique Art déco, mais le traitement de l'imposte est tout à fait original.

Le grand vestibule d'honneur

Le grand vestibule d'honneur, aux proportions monumentales, articulé de colonnes. Les parties publiques du pavillon central sont dotées du décor le plus élaboré, composé uniquement à partir des jeux de formes, de matériaux et de textures.

Vestibule d'honneur

Vestibule d'honneur, orné d'éléments décoratifs caractéristiques de l'Art déco français: la rotonde, supportée par des colonnes massives, avec son éclairage indirect, est un thème cher à Pierre Patout un des pères de cet Art déco français. Cette formule de rotonde éclairée indirectement se retrouve à Montréal au même moment, cette fois utilisée par Jacques Carlu dans le vestibule du restaurant qu'il aménage au 9e étage du magasin Eaton.

Détails du vestibule d'honneur

Détails du vestibule d'honneur: luminaire et colonnes de marbre rouge.

Détails du vestibule d'honneur

Le traitement du guichet témoigne à lui seul du raffinement avec lequel Cormier considère chaque détail de son projet.

La salle des promotions

La salle des promotions est un chef d'oeuvre de composition: subtile combinaison de volumes très purs et de matériaux raffinés, sur lesquels vient jouer la lumière. Le seul ornement à caractère figuratif proposé au visiteur est l'emblème traditionnel de l'Université de Montréal.

La salle des promotions, détails

Contrastes de textures mis en valeur par les jeux de lumière.

Salle des promotions, détails

Jeux de lumière naturelle (directe) et artificielle (indirecte) qui soulignent les formes et les volumes très épurés.

Le pavillon principal de l’Université de Montréal (inauguré en 1943) est généralement apparenté à l’esthétique Art déco, même s’il est loin de s’y limiter en raison de la personnalité même de son architecte, Ernest Cormier, architecte-ingénieur au vaste savoir-faire et à la culture presque encyclopédique.

 

Plutôt qu’une formule en pavillons dispersés telle que consacrée dans l’architecture universitaire nord-américaine, Cormier a privilégié  un plan compact et rationaliste pour le principal bâtiment destiné à abriter les facultés scientifiques - un choix motivé d'abord par des raisons d’économie de budget. En organisant les volumes de façon symétrique et équilibrée autour de la cour d'honneur et en les articulant à partir d'une verticale dominante, il respecte la doctrine académique. Toutefois, l'idée de matérialiser cette verticale avec la chapelle est rejetée d'emblée par Cormier: indice patent du souci d'afficher la sécularisation de l'enseignement supérieur alors en cours au Québec. Et l'utilisation de cette tour comme réserve de la bibliothèque, voire comme support d'un observatoire astronomique, semble avoir eu clairement moins d'importance que sa valeur symbolique comme emblème : perchée sur le flanc nord du mont Royal, la tour se veut alors comme "le phare de l'enseignement supérieur dans cette partie du Canada français", et reste aujourd'hui un repère majeur de la ville.

Parmi les parti-pris architecturaux dont il faut souligner l'originalité, l'esthétique épurée et moderne choisie par Cormier est destinée à afficher la modernité de l’institution (qui s’inscrit dans le mouvement de réforme de l’enseignement supérieur du Québec); l’autre vertu appréciable de ce parti-pris simplifié étant de minimiser les coûts. Cette esthétique épurée n’implique pourtant pas une absence d’ornement, bien au contraire : tout rationaliste qu’il soit, Cormier considère que la forme peut atteindre à une plus grande clarté et à une plus grande intensité par une décoration judicieuse, qu’il nomme « le sourire de la matière ».

Dans le pavillon principal, cet ornement est d’abord le produit du jeu des ombres et des lumières sur les surfaces et les volumes : les murs sont traités en plans multiples* avec un accent particulier mis sur les verticales. Ces pans de murs étroits dépassant la ligne de faîte, créent ainsi un effet visuel de redents*, d’où la parenté visuelle avec l’esthétique Art déco.

Cormier joue admirablement des potentialités de la brique chamois qu’il a réussi à imposer en dépit des réticences envers ce matériau jugé trop commun, indigne d’un chantier de prestige : cette brique vitrifiée  chamois de fabrication américaine a été choisie pour des raisons pratiques aussi bien qu’esthétiques; la brique ayant été remise à l’honneur par les architectes modernes depuis le début du 20e s. en particulier en Europe du Nord (École d’Amsterdam), elle participe aussi à la modernité de l’image projetée par l’ensemble.

Pourtant, le projet d'Ernest Cormier pour l'Université connaîtra des péripéties graves, qui l'empêcheront d'être mené à terme au complet: dans le contexte de la crise économique de 1929, la construction de l'Université de Montréal n'est plus une priorité et devient au contraire un problème: faute de moyens financiers suffisants, les travaux sont interrompus, et la fermeture de l'université est même envisagée. Mais la polémique qui entoure la construction relève au moins autant de la problématique financière que du débat théorique sur l'affirmation de la modernité architecturale à Montréal: pour le milieu intellectuel montréalais encore très conservateur, le chantier de l'Université a surtout le tort d'être la première institution d'envergure à afficher un style libéré de l'historicisme. 

Cela n'empêchera pas, dès la fin des années 1950 et la généralisation progressive du style international au Canada, le travail de Cormier à l'Université de Montréal d'être critiqué pour son gigantisme, et pour le manque de maturité de son style.

Aujourd'hui, le pavillon principal et sa tour constituent un des monuments les plus caractéristiques de l'architecture montréalaise, même si son appartenance à l'Art déco reste discutée parmi les spécialistes.

 

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