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CARACTÉRISTIQUES

de l'architecture Art déco à Montréal

Le style Art déco s’épanouit à Montréal au cours d’une période assez longue de plus d’une trentaine d’années (du milieu des années 1920, jusqu’à la fin des années 1950 voire début des années 1960, cf. Historique) et présente une grande richesse de formes, dans tous les types architecturaux (institutionnel, résidentiel, commercial etc.)

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Si Montréal ne peut guère prétendre à l’étiquette « destination Art déco » parce que son bâti est trop hétérogène et disparate, la qualité de son patrimoine Art déco est néanmoins remarquable – mais très mal valorisée et trop peu reconnue.

Voici une analyse pour permettre une approche générale du sujet.

 

Territoire

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Ce bâti Art déco est présent sur tout le territoire montréalais[1], avec cependant des nuances : des concentrations marquées dans les quartiers qui ont connu une urbanisation accélérée entre les deux guerres (Rosemont, Notre-Dame-de-Grâce par exemple), dans le quartier Notre-Dame des Neiges qui a connu une forte croissance  avec le développement avec du campus de l’Université de Montréal (de même que la ville d’Outremont qui lui est adjacente), concentrations auxquelles il faut bien sûr ajouter les constructions les plus emblématiques du centre-ville – notamment les fameux « gratte-ciels » auxquels on associe inévitablement l’Art déco dans sa version nord-américaine.

Autre particularité à souligner : le type de constructions de style Art déco diffère en fonction du territoire montréalais considéré. Schématiquement, on peut observer la répartition globale suivante : à l’ouest du centre-ville sont bâtis principalement des immeubles d’appartements et des résidences privées; à l’est, plutôt des équipements liés à l’hygiène physique et à l’éducation (les uns n’excluant bien sûr pas les autres). Cette réalité mériterait d’être explorée en profondeur et certainement mise en rapport avec les analyses du développement historique et sociologique du territoire montréalais.

 

Développement : une tendance générale à la simplification 

 

À partir de ses manifestations matures (Université de Montréal, Édifice Aldred, Maison Cormier), et au-delà des variantes diverses, l’architecture Art déco tend à se simplifier au fil des décennies, pour aboutir dans les années 1940-50 à deux courants privilégiant des surfaces plus dépouillées, des matériaux industriels moins coûteux : d’une part le style « streamline moderne »* marqué par l’influence de l’aérodynamisme des moyens de transport (paquebots, avion, train) et donc par l’accentuation des horizontales et la présence accrue des arrondis en angle (Théâtre Snowdon boul. Décarie, Maison d’Italie rue Jean-Talon, Magasin Holt Renfrew rue Sherbrooke, Édifice à logements Normandie boul. Décarie); d’autre part le courant Art déco minimaliste rejoignant le style international*[2] (Maison Simon Kirsh, Outremont; Manufacture Osmose Wood Preserving Co, Outremont (1945); Natatorium de Verdun boul. LaSalle (1939-40).

 

Richesse de formes

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La richesse de formes que l’on constate dans l’architecture Art déco à Montréal est indéniable, mais pas surprenante : l’Art déco en général se caractérise par la variété des sources d’inspiration venues nourrir son répertoire de formes. Dans le contexte montréalais, cette richesse du bâti Art déco s’explique par deux facteurs principaux : la vocation de la construction d’une part, et l’époque de construction d’autre part.

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La vocation de la construction semble avoir influé sur les choix esthétiques des bâtisseurs – avec des nuances toutefois : dans la production résidentielle, industrielle ou religieuse, les références Art déco sont généralement simplifiées, les matériaux limités et par conséquent, les effets de contrastes de couleur et/ou de texture moins fréquents voire absents – sans pour autant atténuer l’intérêt de cette production : édifice à logements Park Lane, ancienne usine Canadian Marconi (détruite), ancienne usine Kraft à Outremont (reconvertie), église St-Esprit de Rosemont. Mais de nombreuses (et intéressantes!) exceptions existent (Maison J.-Donat Langelier et Maison Guertin Outremont; ancien édifice de la Compagnie Dominion Oilcloth rue Ste-Catherine E.).

C’est dans les édifices à vocation institutionnelle et commerciale que l’on retrouve plus souvent une interprétation soignée des références Art déco (Pavillon administratif du Jardin botanique, Caserne et ancien poste de police nº10, Édifice Crescent, école Le Plateau) voire une approche luxueuse dans le cas des constructions prestigieuses (Édifice Aldred, Édifice Architects – détruit; Pavillon principal de l’Université de Montréal, ancien restaurant du magasin Eaton, Édifice Hanson Brothers, etc). Mais encore une fois, nombreuses sont les exceptions.

L’Art déco le plus fantaisiste et « exotique » se déploie plutôt dans des édifices à vocation de loisir (ancien Théâtre Empress, Théâtre Le Château, cabaret du Lion d’or)  

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On l’aura compris, tenter d’ordonner le bâti Art déco montréalais pour des fins d’analyse n’est pas simple. On peut proposer de le regrouper en quatre grandes familles, selon les sources d’inspiration principales (n’excluant pas bien sûr d’autres influences ponctuelles) : le style français (basé sur un luxe raffiné rendu fameux par l’Exposition parisienne de 1925), les influences américaines (qui consistent d’abord dans la construction de gratte-ciels aux lignes Art déco à silhouettes en gradins, puis dans la généralisation du streamline*), le style classicisant (appelé Greco deco par les Anglo-Saxons, qui conserve la trame des ordres* classiques en la simplifiant et en l’aplatissant) et le style exotique dit « égyptien » (découlant de l’engouement suscité par la découverte de la tombe de Toutankhamon par Howard Carter en 1922), dont l'emblème à Montréal est l'ancien Théâtre Empress.

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Hormis la mode égyptisante clairement identifiable, les autres sources sont rarement utilisées sans adaptations, qui sont autant d’indications du contexte montréalais, et donc originales dans leur interprétation. Les bas-reliefs* illustrant la flore et la faune locales sont à cet égard pittoresques mais anecdotiques; ce qui est plus intéressant, c’est d’observer combien les bâtisseurs adaptent souvent leurs sources pour satisfaire le public montréalais, et éviter de choquer un milieu qui, pour aspirer à la modernité, n’en demeure pas moins assez conservateur – en témoigne la difficulté de E. Cormier à imposer la brique comme matériau de construction pour l’Université de Montréal, à une époque où une construction de prestige n’est encore envisageable qu’en pierre. C’est ainsi que même les édifices Aldred et Holt Renfrew, conçus avec des structures modernes en métal et béton, sont pourtant revêtus très traditionnellement de pierre calcaire. Plus généralement, le contexte montréalais se traduit par la modestie des matériaux utilisés (rarement des matériaux coûteux), les ambitions souvent restreintes (le nombre limité de gratte-ciels Art déco), la sobriété voire le conservatisme dans l’interprétation de l’esthétique importée (schémas de composition traditionnels souvent basés sur la symétrie, ou rappelant les ordres antiques; importance accordée à l’ornement, etc.). Des limites qui pourtant, n’empêchent nullement les créations originales, intéressantes voire brillantes – bien au contraire.

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[1] Pour simplifier notre approche du sujet, nous ne ferons pas de distinction entre le territoire de l’ile de Montréal et le territoire de la municipalité de Montréal (qui a d’ailleurs varié selon les époques).

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[2] Parmi les exceptions notables, ex. : la tour-bibliothèque de l’UdeM. Les spécialistes s’accordent pour trouver les sources qui ont inspiré Cormier (cas particulier par sa très vaste culture générale, et sa double formation d’architecte et ingénieur) dans des modèles civiques « modernes » : le beffroi de la gare d’Helsinki, élevée par Eliel Saarinen et la tour du capitole du Nebraska.

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