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Architecture résidentielle

En vedette: Maison J.-Donat Langelier

1931, arch.: Henri-Sicotte LABELLE

25 rue de la Brunante, Montréal

Cette résidence fait partie des nombreuses constructions de style Art déco érigées à Outremont, qui a connu un développement marqué au tournant des années 1930 conjointement au quartier Côte-des-Neiges, à la suite de l’implantation de l’Université de Montréal sur le mont Royal.

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Elle présente l’intérêt d’afficher des éléments très caractéristiques de l’Art déco, tout en conservant une structure héritée de la tradition Beaux-arts* : cette approche prudente (voire conservatrice) de la modernité, caractérise assez largement l’interprétation que les architectes montréalais font de l’esthétique Art déco.

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Ainsi, le volume quadrangulaire de la bâtisse présente une composition ordonnée de façon très traditionnelle selon une symétrie centrale rigoureuse (soulignée par l’alignement de l’escalier avec la porte principale). La partie centrale de la façade se démarque des parties latérales par un niveau supplémentaire d’ouvertures, et par sa légère avancée soulignée par des éléments verticaux en pierre rappelant des pilastres*, contrastant avec la brique ocre des murs.

 

Cette brique est utilisée ici par Henri-S. Labelle avec beaucoup de subtilité : à la manière de F. L. Wright et des architectes modernes hollandais (H. Berlage), l’architecte joue sur les effets visuels potentiels du matériau selon qu’il est posé en panneresse* (faisant apparaître la longueur) pour les murs, ou en boutisse* (seulement le petit côté apparent) pour l’encadrement du triplet de fenêtres au-dessus de la porte. Pour créer un effet de frise séparant visuellement les étages, la brique a été en outre disposée à la verticale.

 

C’est l’entourage de la porte principale sur la rue qui visiblement a concentré tous les soins de l’architecte. Protégée par un auvent polygonal en béton, la porte est agrémentée de jambages* en arrondis, un arrangement transposé quasi-directement du dispositif choisi par Cormier pour l'entrée de son Pavillon principal à l'UdeM. De part et d’autre, une petite baie dont la grille de métal présente un motif géométrique qui se retrouve dans le garde-corps du balcon et la grille décorative de la porte d’entrée. Cette répétition de motifs à échelle différente est très caractéristique de l’esthétique Art déco et participe au caractère unitaire qu’elle affectionne.

Surmontant la porte et son auvent, figure un très beau relief* illustrant une jeune fille tenant une lyre, dans un esprit antiquisant (habillée dans un drapé à l’antique et accotée à ce qui ressemble à une colonne votive*). Ce bas-relief est l’œuvre de Joseph Guardo (1901-1979), sculpteur d’origine italienne qui a contribué au décor du pavillon administratif du jardin botanique, du théâtre-cinéma Le Château, de l’oratoire St-Joseph – entre autres. La présence de ce motif n’est pas gratuite, bien au contraire : elle évoque les affinités personnelles du maître des lieux, J.-Donat Langelier avec la musique. La compagnie Langelier (fusionnée en 1926 avec la compagnie Pratte) commercialisait en effet des pianos – et accessoirement occupait l’édifice Art déco du 500-510 Ste-catherine Est (actuel édifice Archambault et son annexe).

Cette référence iconographique aux occupations (ou aux goûts) de l’occupant des lieux n’a rien d’original, même si cela contribue grandement au charme de l’édifice. On retrouve ce phénomène par exemple à la maison d’Ernest Cormier (relief de la muse tenant une maquette de la tour de l’université), au marché St-Jacques (reliefs de poissons et autres denrées fraîches) ou, plus ironiquement, au poste de police de la caserne nº23 à St-Henri (reliefs du policier et du prisonnier derrière les barreaux).

Contrairement à ce qui est parfois avancé, il ne s’agit pas d’une caractéristique propre à l'Art déco : c’est le propre des décors figuratifs de faire référence à la vocation des lieux ou de l’occupant des lieux qu’ils viennent orner. À Montréal sur la seule rue St-Jacques (haut lieu de la finance au milieu du XIXe siècle), il suffit pour s'en convaincre, de lever les yeux au fronton de la Banque de Montréal, ou vers les petites aumônières garnies de pièces ornant les fenêtres de l’ancien siège de la Banque Molson

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