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Architecture religieuse

En vedette: Église St-Esprit de Rosemont

1922-1933, arch.: Joseph-Égilde-Césaire DAOUST  

2851 rue Masson, Montréal

L’église Saint-Esprit de Rosemont est particulièrement précieuse car c’est la seule église aussi caractéristique de l’Art déco au Québec, même si d’autres églises peuvent prétendre s’apparenter au même style (par exemple l’église St-Jean Berchmans construite dans le même quartier en 1938-39, et dont les lignes résultent d'une combinaison entre le lignes Art déco et d’influence du travail de Dom Bellot).

Le choix des références Art déco pour la construction de cette église en 1931 est en soi original à Montréal : l'architecte J.-E.-C. Daoust (1881-1946) abandonne délibérément les traditionnelles références médiévales, italiennes ou éclectiques au profit de lignes résolument modernes pour l’époque – l’Art déco étant à cette époque privilégié plutôt pour les édifices publics ou les édifices de loisirs, dont Montréal possède plusieurs spécimens intéressants.

 

Cette esthétique Art déco se déploie tant à l’intérieur qu’à l’extérieur (sauf dans le soubassement, construit lors d'une première campagne en 1923 dans le style Beaux-Arts*), mais elle présente cependant une dualité très montréalaise : sous son allure Art déco et en dépit d'une structure en béton armé, l'église St-Esprit garde une conception générale encore traditionnelle.

 

En témoigne d’abord la façade principale, formule très conventionnelle dans sa conception, puisqu’elle se dresse sur un parvis dégagé qui la met bien en valeur, présentant une élévation symétrique (axée sur le clocher unique), et très ordonnée (verticalement par les contreforts, et horizontalement par les niveaux de baies). Traditionnelle aussi, la forme en plein-cintre des baies de cette façade (et plus généralement de toute l’église), qui réfère à l’architecture romane ou à la Renaissance italienne. Soulignons qu’à l’origine, le clocher était coiffé d’une haute flèche de pierre. Celle-ci menaçant l’intégrité du clocher, elle a dû être démantelée dès la fin des années 1940, soit quelques années seulement après sa construction. La disparition de cette flèche a eu pour effet de contribuer à accentuer l’aspect moderne de la façade, ses lignes géométriques, renforçant donc son allure Art déco.

 

Car au-delà de sa conception traditionnelle, la façade présente des lignes indiscutablement modernes par leur géométrisation et leur stylisation. Ici, nulle colonne, niche, ni entablement, mais plutôt des surfaces murales traitées en plans multiples* accentuant les verticales de la façade, et un décor minimaliste de motifs végétaux et géométriques sculptés en bas-relief*. La partie la plus originale de ces reliefs est constituée par de monumentales figures d’anges, adossées aux murs entre les portails : étirées en hauteur, contraintes et sans mouvement, elles apparaissent pourtant élégantes et font irrésistiblement penser aux célèbres statues-colonnes des portails du début du style gothique (portail Royal de la cathédrale de Chartres et portail de la cathédrale St-Maurice d’Angers).

 

Cette façade aux lignes modernes pour l’époque dissimule une formule à trois vaisseaux à plan en croix latine héritée du Moyen Âge, et des élévations inspirées de l’architecture romane. Ces caractères traditionnels se font pourtant font presque oublier à l'intérieur, tellement le décor Art déco qui vient s’y ajuster est homogène et séduisant.

Au premier regard, la géométrie très épurée des lignes et  l’impression de volume (obtenue grâce à la structure moderne en béton et acier) sont saisissantes, sans doute favorisées par l’immense plafond plat, inattendu, aux couleurs claires, seulement orné d’un motif en caisson en forme de croix pour indiquer la croisée.

 

Le mobilier, pourtant peu abondant, contribue largement à l’esthétique générale car il forme un ensemble exceptionnellement complet : confessionnaux, luminaires d’applique, chemin de croix en pierre de Caen incrusté dans les murs. Même le maître-autel en marbre blanc, sans être de style purement Art déco, offre des lignes sobres et épurées qui restent en parfaite harmonie avec les lignes du chœur.

Les vitraux de Guido Nincheri (1885-1973), sont conçus dans un esprit médiéval, puisque chacune des verrières est tout simplement ornée d’un seul personnage en pied (des saints dans la nef, les évangélistes dans le chœur), se détachant sur un fond coloré constitué de minuscules morceaux de verre qui font penser à de la mosaïque – dont il faut rappeler qu’elle est très prisée dans l’Art-Déco.

 

La qualité de cet intérieur, son élégance discrète, dégagent une impression de raffinement; si l’on ajoute à cela l’ampleur du bâtiment et ses vastes espaces dégagés, on éprouve entre ces murs un sentiment presque aérien.

 

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